DiscoverLe grand invité internationalNarcotrafic: «Aujourd'hui, plus personne ne pourra dire "je ne savais pas"», insiste Amine Kessaci
Narcotrafic: «Aujourd'hui, plus personne ne pourra dire "je ne savais pas"», insiste Amine Kessaci

Narcotrafic: «Aujourd'hui, plus personne ne pourra dire "je ne savais pas"», insiste Amine Kessaci

Update: 2025-11-22
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Une marche blanche en mémoire de Medhi Kessaci tué par balle le 13 novembre dernier, est organisé aujourd'hui à Marseille et dans plusieurs villes de France. Amine Kessaci, frère du défunt, militant écologiste, président de l’association Conscience, auteur de « Marseille essuie tes larmes - Vivre et mourir en terre de narcotrafic », publié aux éditions Le Bruit du Monde, est le grand invité international de RFI.

 

RFI : Amine Kessaci, vous êtes militant écologiste et anti-narcotrafic, président de l'association Conscience. Mehdi Kessaci était votre frère. La justice étudie la piste d'un crime d'intimidation lié à votre militantisme. On peut à peine l'imaginer, cette émotion qui sera la vôtre cet après-midi à cette marche à Marseille. Amine Kessaci, vous espérez la mobilisation d'au moins 100 000 personnes. Comment vous sentez vous à quelques heures de cette marche, en hommage à votre frère ?

Amine Kessaci : Aujourd'hui, toute ma famille est anéantie. Aujourd'hui, tout le monde est brisé. Ma mère qui a enterré pour une deuxième fois un enfant. Nous qui sommes encore en train de préparer une marche, encore une fois pour un jeune, un jeune innocent, mon petit frère qui a deux ans de moins que moi, qui n'avait rien fait. Et finalement, la seule culpabilité qu'il a, c'est d'être mon petit frère.

Mercredi, au lendemain de ses obsèques, vous avez tout de suite pris la parole. Vous répétez que vous ne vous tairez pas, qu'il est temps d'agir, que l'État doit prendre la mesure de ce qu'il se passe. Sauf que les ministres de l'Intérieur et de la Justice, récemment, ont dit que des progrès ont été faits contre le narcotrafic et ils ont rappelé que la quasi-totalité des dirigeants de la DZ Mafia, réseau de trafiquants marseillais, étaient en détention, que les points de deal ont été réduits de moitié à Marseille, que les homicides liés aux trafics ont baissé et ils n'ont pas fait d'annonce forte. Ils ont promis des renforts de magistrats. Qu'en pensez-vous ?

Alors moi aujourd'hui, je suis pas là pour lancer la pierre sur qui que ce soit, ni pour tenir des propos politiques. Je suis simplement là pour appeler à se mobiliser, aujourd'hui à Marseille à 15h, pour celles et ceux qui ne peuvent venir dans toutes les villes de France où ils sont. Je pense qu'aujourd'hui plus personne ne pourra dire "je ne savais pas". Plus personne ne pourra dire "je ne savais pas quelles étaient les conséquences de ce fléau, de ce phénomène". Quant à la présence des ministres, moi, la seule chose qui m'importe aujourd'hui, c'est la sécurité de ma famille.

Vous-même, vous vivez sous protection policière. Vous avez dû quitter Marseille en août à cause des menaces du danger qui pesait sur vous. Mais cette protection ne concernait pas votre famille. Vous l'avez écrit dans une tribune dans Le Monde. Est-ce que ça va être le cas désormais ? Est-ce que vous savez si ça va évoluer ?

C'est déjà le cas. C'est déjà le cas. Et même si ça ne nous ramènera pas Mehdi, c'est déjà le cas.

Cela concerne votre mère qui, elle aussi, milite ?

Tout le monde, tout le monde.

Plus globalement, vous le dites aussi régulièrement, c'est quand même des quartiers entiers qui vivent dans la peur, dans l'étau du narcotrafic. Pour eux, c'est difficile d'entendre, par exemple, j'imagine que la plupart des commanditaires de la DZ Mafia sont en prison parce que, au quotidien, la menace et les pressions restent les mêmes ?

Bien sûr que la menace et les pressions restent les mêmes. Bien sûr que les gens ont peur. Mais ce que je leur dis, c'est "levons-nous". Personne ne pourra tuer tout un peuple. On ne peut pas tuer un peuple tout entier. Et donc, si on est des milliers de personnes à se lever, si on est des milliers à porter ces questions, si on est des milliers à être les visages de la lutte contre le narcotrafic, ils ne pourront pas venir tous nous tuer.

Vous êtes sous protection policière, tout comme le journaliste italien Roberto Saviano. Vous l'avez rencontré il y a quelques jours. Lui a beaucoup écrit sur la mafia napolitaine en Italie. Le pays a pris le problème à bras-le-corps. On le regarde en face. Est-ce qu'en France, pour vous, on ne se rend pas encore compte de la gravité du problème ? Est-ce qu'on se fait des illusions ? Est-ce qu'on se fait des illusions en pensant qu'en Italie par exemple, c'est bien plus grave ?

Je pense qu'il faut impérativement sortir de ces comparaisons. Il faut qu'on arrête de dire est-ce que la France est en train de devenir Palerme ? Est-ce que la France est en train de devenir le Mexique ? Est-ce que la France est en train de devenir la Colombie ? Parce que la France est la France. Et ce qui se passe aujourd'hui en France, c'est ce qui se passe aujourd'hui en France. Les situations qu'on est en train de décrire ailleurs, elles sont déjà là, présentes sur le territoire. On l'a vu jeudi dernier. Elles sont à Marseille, à Rennes, elles sont chez nous, en Outre-Mer, en Guadeloupe et un peu partout. Et donc ces phénomènes qu'on est en train de constater et de décrire ailleurs, de fait, ils sont déjà chez nous. Alors arrêtons de regarder ce qui se passe à côté, arrêtons ces comparaisons et regardons ce qui se passe ici.

Des membres du gouvernement seront présents tout à l'heure à Marseille, avec aussi d'autres figures de la scène politique. Est-ce que c'est le soutien que vous attendez de la sphère politique ? Cette présence à cette marche, est-ce que c'est assez ?

Je pense que c'est le minimum qu'on puisse faire. Effectivement, je pense qu'aujourd'hui, chacun, chacune, a pris la mesure des choses, que chacun, chacune a compris qu'il et elle n'avait pas assez fait, que chacun, chacune a compris que parler une fois tous les trimestres sur un plateau télé du narcotrafic n'était pas suffisant, que participer à des colloques sur le narcotrafic n'était pas suffisant. Donc non, aujourd'hui, je pense que tout le monde a pris conscience et à la mesure de ce qu'il se passe. Je l'avais dit tout à l'heure, mais aujourd'hui, plus personne ne pourra dire "je ne savais pas". Plus personne ne pourra dire "Je l'ignorais". Et donc oui, moi, c'est la mobilisation que j'attends aujourd'hui de la part des politiques.

Vous dites justement que votre frère est mort pour rien. On voit que de nombreux médias à travers le monde, pas qu'en France, parlent de cet assassinat, que ça a suscité une onde de choc. Est-ce que vous avez le sentiment qu'avec cette médiatisation et l'émotion qu'elle suscite, ça va peut-être provoquer un électrochoc ? 

Le sursaut ? Je le vois. J'espère qu'aujourd'hui, nous serons des milliers à marcher. Mais après peu importe que la presse internationale écrit ou pas. Mon petit frère a été assassiné, je ne le reverrai plus. C'est ça moi qui m'importe aujourd'hui.

Amine Kessaci, vous avez perdu aussi en 2020, Brahim votre frère. Lui qui était dans ce monde du narcotrafic, il a été tué lors d'un règlement de compte. "Tu es mort d'avoir cru à ce rêve pourri", écrivez-vous dans votre livre Marseille essuie tes larmes, paru le mois dernier aux éditions Le bruit du monde. Vous lui en voulez, mais vous écrivez aussi que vus en voulez encore plus à l'État, qui est responsable, selon vous ? 

J'en veux à ce système. J'en veux à la narcocratie. J'en veux à tout ce fléau qui est en train de broyer nos vies, qui est en train de broyer les vies des petites gens. Donc moi, c'est à ce système que j'en veux. Et encore une fois aujourd'hui, si je prends la parole, c'est vraiment pour ne pas lancer la pierre sur qui que ce soit et simplement pour mobiliser et pour rendre hommage à mon petit frère.

Vous serez donc cet après-midi, Amine Kessaci à Marseille, à cette grande marche blanche en hommage à votre frère Mehdi. Vous espérez qu'ils seront nombreux tout à l'heure à marcher avec vous. Que voulez-vous dire justement à ceux qui, peut-être, ont peur de venir, de s'élever comme vous contre les crimes du narcotrafic ?

Ce que je dis et ce que je n'arrête pas de dire, c'est qu'on ne peut pas tuer tout un peuple, on ne peut pas tuer un peuple tout entier. Donc, les personnes qui seraient inquiètes, un dispositif de sécurité plus qu'important a été mis en place. Des personnalités politiques eux-mêmes avec des dispositifs de sécurité seront présents. Les choses ont été organisées par les services de la préfecture, du département, de la mairie de Marseille que d'ailleurs je tiens à remercier, qui a publié dans les pages de la Provence un appel à marcher. Donc je tiens à remercier le maire de Marseille. Mais aujourd'hui, si moi j'en appelle à se mobiliser, c'est aussi parce que toutes les conditions sont réunies. C'est aussi parce que tout ce dont nous avions besoin pour garantir la sécurité des gens qui vont se mobiliser est réuni. Sinon je n'appellerai pas à nous mobiliser dans le danger.

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